La Marseillaise Jean Béraud, 1880
Contexte historique: Les années 1879-1880 correspondent aux débuts de la République opportuniste. Les républicains au pouvoir s’attachent à unir la nation autour des valeurs de 1789 Ils mettent en œuvre une vaste politique d’acculturation républicaine.
Le 14 février 1879, un décret du ministère de la Guerre fait de La Marseillaise l’hymne national du pays. Le 14 juillet 1880, le 14 Juillet est institué et célébré pour la première fois comme fête nationale.
Le 14 février 1879, un décret du ministère de la Guerre fait de La Marseillaise l’hymne national du pays. Le 14 juillet 1880, le 14 Juillet est institué et célébré pour la première fois comme fête nationale.
1 Quelle est la dimension symbolique du lieu de la manifestation ?
2 Comment les Parisiens montrent-ils leur attachement à la République ?
3 Comment le peintre exprime-t-il à la fois la diversité des Français et leur cohésion ?
2 Comment les Parisiens montrent-ils leur attachement à la République ?
3 Comment le peintre exprime-t-il à la fois la diversité des Français et leur cohésion ?
En septembre 1870, la IIIe République naît de la défaite militaire face à la Prusse. Les premières années sont marquées par la fragilité du régime, dans une France agitée de soubresauts révolutionnaires. Les royalistes remportent les premières élections sans parvenir à rétablir la monarchie.
Les années 1880 sont celles de la consolidation. Les républicains sont désormais au pouvoir. Les Français adhèrent progressivement à leur projet fondé sur les principes de 1789. Une culture républicaine se diffuse à travers le pays, même si des résistances demeurent.
Au tournant du XXe siècle, des tensions parcourent la société et le régime doit faire face à des crises. Celles-ci sont surmontées et l’intégration politique des différentes classes sociales se poursuit. En 1914, l’adhésion au régime républicain apparaît solide
Les années 1880 sont celles de la consolidation. Les républicains sont désormais au pouvoir. Les Français adhèrent progressivement à leur projet fondé sur les principes de 1789. Une culture républicaine se diffuse à travers le pays, même si des résistances demeurent.
Au tournant du XXe siècle, des tensions parcourent la société et le régime doit faire face à des crises. Celles-ci sont surmontées et l’intégration politique des différentes classes sociales se poursuit. En 1914, l’adhésion au régime républicain apparaît solide
Comment la IIIe République parvient-elle à regrouper les Français autour d’un projet politique commun, malgré les oppositions qu’elle rencontre ?
I- La difficile naissance d’un régime républicain (1870-1879).
Dans quelles conditions la République s’impose-t-elle ?
A- « L’année terrible » (septembre 1870 – mai 1871)
Dans quelles conditions la République s’impose-t-elle ?
A- « L’année terrible » (septembre 1870 – mai 1871)
« La défense de Paris, départ de M. Gambetta, Ministre de l'Intérieur pour Tours, par le ballon » le 7 octobre 1870 - source : Gallica-BnF
Visionnez la vidéo "Auriez vous pris les armes avec Louise Michel"
Le peintre représente un événement dramatique de la vie de Louise Michel, son arrestation par l’armée versaillaise, alors que les communards sont vaincus. Il figure les communards par une foule de Parisiens, aux vêtements sales voire loqueteux, qui accompagnent Louise Michel. Celle-ci est représentée comme une belle jeune femme aux cheveux longs, très peu ressemblante au personnage réel. L’enfant au premier plan à droite est très semblable au Gavroche de Victor Hugo, et permet de faire un parallèle avec le célèbre tableau de Delacroix La Liberté guidant le peuple. Louise Michel est donc ici davantage une allégorie de l’idéal de liberté porté par les communards. |
L’arrestation de Louise Michel, 24 mai 1871
Jules Girardet. Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis. |
B- « La République sera conservatrice ou ne sera pas » ( A. Thiers)
Jeu de cartes, 1880, 8,6 x 5,5 cm, BnF, Paris.
C- Les républicains au pouvoir (1875 / 1879)
La Chambre des députés, centre de la vie politique
Jules-Arsène Garnier, Le Libérateur du territoire, 1878. Assemblée nationale, Paris. Le 16 juin 1877, Adolphe Thiers reçoit l’hommage des députés de l’Assemblée nationale à Versailles, avec le surnom de « Libérateur du territoire » pour avoir remboursé en deux ans l’indemnité de guerre prussienne durant sa présidence de la République |
II- L'enracinement de la République (1879-1914).
Comment la Troisième République réussit-elle à enraciner dans la culture politique française un régime qui est, dans ses valeurs et principes, l’héritier des idées de la Révolution française ?
« l’histoire du XIXe siècle tout entier peut être considérée comme l’histoire d’une lutte entre la Révolution et la Restauration, à travers des épisodes qui seraient 1815, 1830, 1848, 1851, 1870, la Commune, le 16 mai 1877. Seule la victoire des républicains sur les monarchistes, dans les débuts de la Troisième République, signe définitivement la victoire de la Révolution dans les profondeurs du pays »
(François Furet, Penser la Révolution française, p. 17)
(François Furet, Penser la Révolution française, p. 17)
La statue en bronze des frères Morice fut inaugurée le 14 juillet 1883 place de la République. Cette peinture représentant la cérémonie du 14 juillet, est un bon exemple de la nouvelle culture politique qui se
présente comme l’héritière de la Révolution française (références nombreuses : inscriptions « RF », « 1789 »,
bonnet phrygien porté par une petite fille au premier plan), et qui associe la République et la Patrie autour de
deux piliers : ici l’école et l’armée, qui se rejoignent pour former des citoyens.
présente comme l’héritière de la Révolution française (références nombreuses : inscriptions « RF », « 1789 »,
bonnet phrygien porté par une petite fille au premier plan), et qui associe la République et la Patrie autour de
deux piliers : ici l’école et l’armée, qui se rejoignent pour former des citoyens.
La défaite de 1870-1871 provoqua un énorme choc dans l’opinion française, qui prit conscience de la
faiblesse de sa défense. La victoire prussienne fut considérée comme celle des instituteurs, qui avaient su
préparer physiquement et moralement les garçons dès leur plus jeune âge.
D’où l’idée des bataillons scolaires, destinés à assurer une première préparation physique et militaire des enfants d’âge scolaire. le premier fut formé en 1880 dans le Ve arrondissement de Paris. Puis, un décret du 6 juillet 1882 généralisa cette initiative Le décret prévoyait la constitution de bataillons formés de quatre compagnies de 50 enfants dans les écoles de plus de 200 élèves, l’armée fournissant l’encadrement.
Les bataillons défilaient à l’occasion de quelques manifestations publiques, comme ici lors du 14 juillet 1883.
Mais l’expérience fut en réalité un échec. Leur organisation était difficile et leurs effectifs restèrent faibles,
même à leur apogée en 1885 (62 bataillons dans toute la France, au total environ 23 000 enfants). Les enfants étaient trop jeunes pour recevoir une véritable formation militaire, ce dont se rendirent rapidement compte les représentants de l’armée. Et surtout, les bataillons étaient loin de faire l’unanimité, même chez les républicains.
Ils furent finalement supprimés à Paris en 1892. Ils sont cependant emblématiques de la volonté de formation du futur citoyen, qui doit être prêt à défendre la patrie et à se sacrifier pour elle.
faiblesse de sa défense. La victoire prussienne fut considérée comme celle des instituteurs, qui avaient su
préparer physiquement et moralement les garçons dès leur plus jeune âge.
D’où l’idée des bataillons scolaires, destinés à assurer une première préparation physique et militaire des enfants d’âge scolaire. le premier fut formé en 1880 dans le Ve arrondissement de Paris. Puis, un décret du 6 juillet 1882 généralisa cette initiative Le décret prévoyait la constitution de bataillons formés de quatre compagnies de 50 enfants dans les écoles de plus de 200 élèves, l’armée fournissant l’encadrement.
Les bataillons défilaient à l’occasion de quelques manifestations publiques, comme ici lors du 14 juillet 1883.
Mais l’expérience fut en réalité un échec. Leur organisation était difficile et leurs effectifs restèrent faibles,
même à leur apogée en 1885 (62 bataillons dans toute la France, au total environ 23 000 enfants). Les enfants étaient trop jeunes pour recevoir une véritable formation militaire, ce dont se rendirent rapidement compte les représentants de l’armée. Et surtout, les bataillons étaient loin de faire l’unanimité, même chez les républicains.
Ils furent finalement supprimés à Paris en 1892. Ils sont cependant emblématiques de la volonté de formation du futur citoyen, qui doit être prêt à défendre la patrie et à se sacrifier pour elle.
A- Une démocratie libérale
Au centre de la scène de vote représentée, un électeur tend son bulletin au président du bureau de vote. La solennité du geste est mise en évidence par « l’arrêt sur image »que le peintre a cherché à réaliser ici, comme pour saisir un moment crucial de la pratique républicaine. Le drapeau tricolore, le buste de Marianne à l’arrière sur le mur, inscrivent bien l’acte de voter dans un rituel républicain qui se déroule probablement ici dans une salle de mairie.
Cet homme paraît d’un milieu modeste ; c’est peut-être un ouvrier : il porte une blouse. Le président du bureau et son assesseur à sa gauche sont vêtus de noir, une tenue solennelle. Dans le fond de la salle, on voit d’autres personnages qui s’apprêtent à voter après vérification de leur identité sur les listes électorales : parmi eux, des bourgeois, identifiables par leur chapeau haut-de-forme.
Ainsi, toutes les catégories sociales sont représentées (bourgeois et ouvriers), comme pour rappeler que le suffrage est universel et non plus censitaire comme au début du XIXe siècle.
Enfin, l’assemblée présente dans la salle est exclusivement masculine, exceptée la fillette que l’on devine
à gauche avec son cerceau, qui doit accompagner son père
Cet homme paraît d’un milieu modeste ; c’est peut-être un ouvrier : il porte une blouse. Le président du bureau et son assesseur à sa gauche sont vêtus de noir, une tenue solennelle. Dans le fond de la salle, on voit d’autres personnages qui s’apprêtent à voter après vérification de leur identité sur les listes électorales : parmi eux, des bourgeois, identifiables par leur chapeau haut-de-forme.
Ainsi, toutes les catégories sociales sont représentées (bourgeois et ouvriers), comme pour rappeler que le suffrage est universel et non plus censitaire comme au début du XIXe siècle.
Enfin, l’assemblée présente dans la salle est exclusivement masculine, exceptée la fillette que l’on devine
à gauche avec son cerceau, qui doit accompagner son père
B- Une nouvelle culture politique
Comment les Français ont-ils finalement adhéré au régime républicain et quelles politiques spécifiques ont mené les dirigeants républicains pour y parvenir ?
l’affiche officielle des cérémonies du centenaire de la
République témoigne de la propagande mise en oeuvre par le gouvernement pour convaincre les Français de ses bienfaits. Invitant les Français à participer aux cérémonies, elle figure en effet une Marianne rassurante, protectrice et nourricière, favorisant l’abondance et la modernité. Elle permet aussi de mettre en lumière la volonté des républicains de situer leur politique dans la continuité des promesses de la Révolution en donnant au régime, encore jeune en 1892, la légitimité de la longue durée. Marianne coiffée du bonnet phrygien, figurant la République et la liberté, est l’allégorie centrale de cette affiche.
Elle apparaît ici comme partiellement dépouillée des attributs guerriers (cuirasse, casque ou couronne de laurier) qui étaient les siens lors des débuts des guerres révolutionnaires et des débuts de la IIIe République. Ses capacités défensives demeurent dans la ceinture métallique : l’ombre de la défaite de 1870 se manifeste, jusqu’en 1914, dans la symbolique républicaine. En revanche, elle tient un immense drapeau tricolore, montrant ainsi que la République soutient la nation. |
Apportant la paix, elle favorise le travail des agriculteurs ainsi que les progrès techniques au sein du territoire (un engrenage est à ses pieds, un train parcourt un viaduc). Ce sont donc les vertus de la paix, du travail et de l’abondance que les républicains ont choisi de mettre en valeur à travers cette affiche qui s’adresse donc prioritairement aux paysans, majoritaires dans le pays et qu’il convient de rallier au régime.
Il s’agit d’une partition illustrée de La Marseillaise, parue dans Le Petit Journal le 14 juillet 1912 et accompagnée d’un long article expliquant les origines du chant et les débats qui, encore à cette
date, existent autour de cette musique, qui est devenue l’hymne national en février 1879.
La Marseillaise est à la fois un chant révolutionnaire, exaltant la liberté, et un chant de guerre exprimant avec violence le patriotisme d’une nation en guerre. Le contenu de ses paroles et son contexte d’écriture en ont fait pendant presque un siècle un chant au pouvoir mobilisateur contre les régimes autoritaires.
( Michel Vovelle dans son article consacré à La Marseillaise dans les Lieux de mémoires, « elle reste plus que jamais le support ou le signe accompagnateur des flambées révolutionnaires parties du peuple : en 1830, en 1848, en 1870 et 1871 enfin sous le gouvernement provisoire et la Commune »).
Chant de ralliement des républicains lorsque ceux-ci sont dans l’opposition et luttent pour s’installer au pouvoir, La Marseillaise va devenir au lendemain du départ de Mac- Mahon l’hymne national. D’un point de ralliement de toutes les révoltes, ce chant devient en quelques années celui d’une République installée et bourgeoise, privant en quelque sorte les ouvriers de leur hymne révolutionnaire.
date, existent autour de cette musique, qui est devenue l’hymne national en février 1879.
La Marseillaise est à la fois un chant révolutionnaire, exaltant la liberté, et un chant de guerre exprimant avec violence le patriotisme d’une nation en guerre. Le contenu de ses paroles et son contexte d’écriture en ont fait pendant presque un siècle un chant au pouvoir mobilisateur contre les régimes autoritaires.
( Michel Vovelle dans son article consacré à La Marseillaise dans les Lieux de mémoires, « elle reste plus que jamais le support ou le signe accompagnateur des flambées révolutionnaires parties du peuple : en 1830, en 1848, en 1870 et 1871 enfin sous le gouvernement provisoire et la Commune »).
Chant de ralliement des républicains lorsque ceux-ci sont dans l’opposition et luttent pour s’installer au pouvoir, La Marseillaise va devenir au lendemain du départ de Mac- Mahon l’hymne national. D’un point de ralliement de toutes les révoltes, ce chant devient en quelques années celui d’une République installée et bourgeoise, privant en quelque sorte les ouvriers de leur hymne révolutionnaire.
Théophile Steinlen (1859-1923), Le bal du 14 juillet 1889, 190 × 272 cm, musées de la Ville de Paris.
|
le doc ci contre illustre la réussite de cette
politique de républicanisation de la société. Steinlen montre dans son tableau l’adhésion des Français au projet républicain à travers une pratique qui devient très populaire dès sa naissance : la participation aux festivités du 14 juillet. Les festivités du 14 juillet 1889 sont particulièrement importantes étant donné qu’il s’agit du centenaire de la Révolution. Steinlen est un artiste engagé au sein des mouvances anarchistes. Outre ses affiches pour les cabarets de Montmartre, son quartier de résidence, il fut un illustrateur prolixe de la revue anarchiste L’Assiette au beurre entre 1901 et 1912. On retrouve dans ce tableau son talent pour croquer les habitants des quartiers populaires de Paris : |
Le gouvernement entend faire des funérailles de
Victor Hugo un grand moment de communion républicaine et nationale. Une loi du 24 mai 1885 accorde au poète des funérailles nationales. Le président de la République Jules Grévy prend ensuite par décret la décision de nationaliser l’église Sainte Geneviève pour en faire un panthéon où seront déposés « les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance de la patrie ». Un second décret prévoit que le corps de Victor Hugo sera déposé au Panthéon. |
Sur la peinture de Georges François Guiaud datant de 1885, les drapeaux tricolores qui flottent dans le
vent, ainsi que le quadrige de la révolution qui surmontait à l’époque l’Arc de triomphe, rappellent la
dimension républicaine d’une cérémonie décidée et organisée par le gouvernement. Les funérailles de
Victor Hugo sont l’occasion d’une véritable mise en scène du régime, avec son décor et ses figurants.
La lithographie intitulée « Liqueur de l’immortel Victor Hugo » montre la foule présente autour de
l’Arc de triomphe la veille de la cérémonie, ainsi que devant le Panthéon le 1er juin. Cette foule, ainsi
que les loueurs d’échelles, les vendeurs de souvenirs et les affiches ou cartes postales éditées pour l’occasion montrent qu’il s’agit d’un événement populaire, d’une fête qui réunit les Français.
L’Arc de triomphe renvoie aux victoires napoléoniennes et à la grandeur du pays. Il donne à l’événement
une dimension nationaliste. Victor Hugo, considéré comme le poète national, incarne la grandeur de la France dont il est censé rassembler les habitants par-delà les clivages politiques.
vent, ainsi que le quadrige de la révolution qui surmontait à l’époque l’Arc de triomphe, rappellent la
dimension républicaine d’une cérémonie décidée et organisée par le gouvernement. Les funérailles de
Victor Hugo sont l’occasion d’une véritable mise en scène du régime, avec son décor et ses figurants.
La lithographie intitulée « Liqueur de l’immortel Victor Hugo » montre la foule présente autour de
l’Arc de triomphe la veille de la cérémonie, ainsi que devant le Panthéon le 1er juin. Cette foule, ainsi
que les loueurs d’échelles, les vendeurs de souvenirs et les affiches ou cartes postales éditées pour l’occasion montrent qu’il s’agit d’un événement populaire, d’une fête qui réunit les Français.
L’Arc de triomphe renvoie aux victoires napoléoniennes et à la grandeur du pays. Il donne à l’événement
une dimension nationaliste. Victor Hugo, considéré comme le poète national, incarne la grandeur de la France dont il est censé rassembler les habitants par-delà les clivages politiques.
La caricature de Désiré Barodet, fervent républicain, franc-maçon, député de la Seine de 1873 à 1896,
puis sénateur. Il est l’auteur en 1877 de la première proposition de loi sur l’instruction primaire gratuite, obligatoire et laïque. Cette caricature fait partie d’une série de caricatures antirépublicaines publiées par Léo Taxil et J. Blass dans La Ménagerie républicaine dans les années 1880. Elle illustre clairement les sujets de crispation de l’Église catholique dans les années 1880 : au premier plan, le singe républicain Barodet accapare une fillette pour l’inciter à lire un manuel sur la théorie darwinienne de l’évolution des espèces, présentée comme athée et anarchiste. À l’arrière-plan, des religieuses sont bannies de l’école communale après la loi de laïcisation des personnels enseignants (loi Goblet du 30 octobre 1886). En montrant sa capacité à réagir à la politique laïque
de la IIIe République, l’Église témoigne de son influence, qu’elle entretient également de cette façon, dans la société française. |
De nombreuses publications cléricales s’opposent en particulier aux lois scolaires laïques qui ont établi des programmes scolaires scientifiques pour les enfants des deux sexes, ont chassé les religieux de leurs fonctions d’enseignants, puis ont fermé les écoles congréganistes.
Afin de convaincre les parents de ne pas mettre leurs enfants dans l’école publique, de nombreux
prêtres les menacent de les priver de sacrements (communion) à l’occasion des deux « guerres des manuels », dans les années 1880 puis dans les années 1908-1910.
Afin de convaincre les parents de ne pas mettre leurs enfants dans l’école publique, de nombreux
prêtres les menacent de les priver de sacrements (communion) à l’occasion des deux « guerres des manuels », dans les années 1880 puis dans les années 1908-1910.
C- L'apprentissage de la citoyenneté
Carte postale de l’école de Buigny-lès-Gamaches (80) vers 1910. Musée national
de l’Éducation, Rouen
de l’Éducation, Rouen
Pour Ferdinand Buisson, directeur de l’enseignement primaire au côté du ministre Jules Ferry, l’école doit apporter aux élèves une instruction qui leur garantisse l’émancipation. En éclairant les esprits de ses élèves, l’instituteur en fait des êtres libres, capables d’exercer pleinement leurs droits de citoyens. Le fait qu’elle soit laïque permet de les soustraire à l’influence des croyances. L’objectif est qu’ils puissent réellement exercer leur libre arbitre au moment de voter. Il évoque des « enfants mûrs pour la vie civique » |
Un autre objectif assigné à l’instituteur est d’inculquer aux élèves l’amour de la patrie. La phrase inscrite sur le tableau noir indique qu’il est également au service de la grandeur du pays dans un contexte de compétition avec les voisins européens.
L’enseignement de l’histoire en particulier cherche à renforcer l’unité de la nation et l’amour du pays.
L’évocation des provinces perdues face à l’Empire allemand s’inscrit dans cet enseignement patriotique
porté par l’instituteur.
L’enseignement de l’histoire en particulier cherche à renforcer l’unité de la nation et l’amour du pays.
L’évocation des provinces perdues face à l’Empire allemand s’inscrit dans cet enseignement patriotique
porté par l’instituteur.
LA TACHE NOIRE Albert Bettanier (1851-1932)
III- Les limites du consensus républicain
Avec la liberté de la presse, les opposants peuvent désormais s’exprimer, parfois violemment, contre le gouvernement. Tout en s’inscrivant dans le jeu de la démocratie, ces contestations ébranlent parfois le régime républicain.
Quels Français contestent la politique républicaine au tournant du siècle ?
Quels Français contestent la politique républicaine au tournant du siècle ?
A- La montée de l'antiparlementarisme et du nationalisme
Lancé en 1892, La Libre Parole est un journal foncièrement antisémite, sous-titré « la France aux Français »,
qui vulgarise par des campagnes dénonciatrices et des pamphlets très violents la pensée de son fondateur
Édouard Drumont.
Celui-ci est l’auteur de l’ouvrage La France juive, qui atteste dès 1886, soit huit ans avant le premier procès de Dreyfus, d’un nouvel antisémitisme, faisant la synthèse entre l’antijudaïsme chrétien traditionnel et l’hostilité contre ceux considérés comme des symboles du capitalisme. Il introduit aussi des éléments raciaux à son antisémitisme, largement repris par Maurice Barrès.
qui vulgarise par des campagnes dénonciatrices et des pamphlets très violents la pensée de son fondateur
Édouard Drumont.
Celui-ci est l’auteur de l’ouvrage La France juive, qui atteste dès 1886, soit huit ans avant le premier procès de Dreyfus, d’un nouvel antisémitisme, faisant la synthèse entre l’antijudaïsme chrétien traditionnel et l’hostilité contre ceux considérés comme des symboles du capitalisme. Il introduit aussi des éléments raciaux à son antisémitisme, largement repris par Maurice Barrès.
Maurice Barrès, admirateur de Drumont, dénonce dans de nombreux articles antisémites le rôle politique
des Juifs. L’Affaire Dreyfus cristallise son nationalisme et son antisémitisme : il est l’un des porte-parole des
antidreyfusards qui refusent de remettre en cause le verdict du tribunal militaire et de reconnaître l’innocence de Dreyfus. Pour eux, Dreyfus est nécessairement coupable, car il est juif et donc, par définition, traître.
Maurice Barrès est antidreyfusard par nationalisme antisémite : il s’agit d’abord, pour lui, de ne pas désavouer l’armée (« il ne faut pas supprimer l’armée ») mais, surtout, il insiste sur la menace des juifs qui, selon lui, gangrènent l’État français et le menacent de « chambardement ».
Cette conception d’un ennemi de l’intérieur, qui saperait la vraie France s’apparente à la pensée complotiste : les Dreyfusards voudraient installer « au pouvoir des hommes qui poursuivent la transformation de la France selon leur esprit propre ». Drumont et Barrès se font dès lors les chantres de la « conservation de la France » face à cette supposée menace, cherchant à mobiliser l’opinion publique sur des choses que l’on veut lui cacher.
des Juifs. L’Affaire Dreyfus cristallise son nationalisme et son antisémitisme : il est l’un des porte-parole des
antidreyfusards qui refusent de remettre en cause le verdict du tribunal militaire et de reconnaître l’innocence de Dreyfus. Pour eux, Dreyfus est nécessairement coupable, car il est juif et donc, par définition, traître.
Maurice Barrès est antidreyfusard par nationalisme antisémite : il s’agit d’abord, pour lui, de ne pas désavouer l’armée (« il ne faut pas supprimer l’armée ») mais, surtout, il insiste sur la menace des juifs qui, selon lui, gangrènent l’État français et le menacent de « chambardement ».
Cette conception d’un ennemi de l’intérieur, qui saperait la vraie France s’apparente à la pensée complotiste : les Dreyfusards voudraient installer « au pouvoir des hommes qui poursuivent la transformation de la France selon leur esprit propre ». Drumont et Barrès se font dès lors les chantres de la « conservation de la France » face à cette supposée menace, cherchant à mobiliser l’opinion publique sur des choses que l’on veut lui cacher.
Pour des hommes comme Drumont et Barrès, la raison d’État est supérieure aux droits de l’individu. Leur pensée, marquée par la xénophobie et l’antisémitisme, est en contradiction totale avec les valeurs issues de la Révolution française, celles des droits de l’homme : le droit à une justice équitable et impartiale, les libertés de conscience et de religion, l’égalité de tous, notamment dans l’accès aux emplois publics. Ce sont donc les valeurs de la République laïque qui sont menacées par le nationalisme antisémite.
Pour des hommes comme Drumont et Barrès, la raison d’État est supérieure aux droits de l’individu. Leur pensée, marquée par la xénophobie et l’antisémitisme, est en contradiction totale avec les valeurs issues de la Révolution française, celles des droits de l’homme : le droit à une justice équitable et impartiale, les libertés de conscience et de religion, l’égalité de tous, notamment dans l’accès aux emplois publics. Ce sont donc les valeurs de la République laïque qui sont menacées par le nationalisme antisémite.
Caricature de Caran d'Ache (Emmanuel Poiré, 1858-1909), parue dans les colonnes du Figaro, le 14 février 1898. Le dessin décrit la division de la société au cours de l'Affaire Dreyfus.
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B- L'opposition cléricale
Le journal La Lanterne se réclame d’un anticléricalisme de combat. Il est proche des milieux libres-penseurs qui considèrent l’Église comme un ennemi à combattre par tous les moyens, y compris la caricature la plus féroce. Pour eux, la construction du Sacré-Cœur, qui s’étale sur toute la fin du XIXe siècle, est une véritable provocation de la part des forces catholiques conservatrices et antirépublicaines. |
Couverture du premier numéro de la revue libre-penseuse Les Corbeaux, qui paraît en France à partir d’avril 1905 à l’occasion des débats sur la loi de séparation, et cesse de paraître en 1909. La Libre-Pensée est une très ancienne association fondée en 1848 et plusieurs fois remodelée. Elle a compté parmi ses membres Victor Hugo, Louise Michel, Georges Clemenceau, Aristide Briand et Ferdinand Buisson. Plusieurs libres-penseurs font partie de la commission parlementaire chargée de rédiger le projet de loi. La caricature représente la République, figurée par Marianne, qui coupe le lien qui unissait le pape, ici une caricature de Pie X nu car ayant perdu ses biens, et l’État représenté par un coffre-fort flanqué du monogramme RF. Cette séparation est qualifiée de « martyre », indiquant ici que le plus douloureux pour l’Église serait la perte des salaires et subventions de l’État. |
La politique anticléricale de la République
radicale a des répercussions dans le domaine de l’enseignement. Le nombre d’instituteur /institutrices est en forte augmentation dans l’enseignement privé. Les congrégations n’ayant plus le droitd’enseigner avant même le vote de la loi de 1905, il a fallu les remplacer. « L’école libre » est considérée par le clergé comme l’instrument de la reconquête des esprits. |
Elle scolarise 18 % des enfants en 1907. Le nombre d’enseignants et surtout d’écoles progresse toutefois nettement moins vite que dans l’enseignement public, le régime maintient en effet son effort dans ce domaine. La « guerre des manuels » témoigne du fait que l’école est touchée par la question religieuse. Des associations catholiques protestent contre la laïcisation des manuels scolaires comme Le Tour de France par deux enfants,qui, dans sa réédition de 1907, voit disparaître Dieu.
Cette photographie montre la défense d’une petite
église de l’Ariège dans les Pyrénées par des fidèles armés d’ours (qui sont quand même enchaînés). Ils marquent ainsi leur soutien à leur prêtre contre l’intervention des représentants de l’État tenus de réaliser les inventaires des biens présents dans l’édifice. Cette scène n’est pas une exception sur le territoire français : des troubles se sont déroulés dans plusieurs régions, notamment dans le Nord-Ouest et dans le Sud du Massif central. |
Effectivement, en février 1906, le pape Pie X condamne la loi de séparation des Églises et de l’État et interdit
notamment la constitution d’associations cultuelles (composées de laïcs) et la réalisation d’inventaires perçus comme un viol des lieux saints et des objets sacrés que renferment les édifices religieux. Le conflit se cristallise donc de manière parfois violente même si, dans la plupart des cas, les inventaires se sont déroulés sans encombre, dans les régions déjà déchristianisées.
notamment la constitution d’associations cultuelles (composées de laïcs) et la réalisation d’inventaires perçus comme un viol des lieux saints et des objets sacrés que renferment les édifices religieux. Le conflit se cristallise donc de manière parfois violente même si, dans la plupart des cas, les inventaires se sont déroulés sans encombre, dans les régions déjà déchristianisées.
C- Les ouvriers, les femmes....et la République
Il s’agit d’un dessin satirique paru dans une revue d’extrême gauche en 1909, quelques mois avant la
fin du gouvernement Clemenceau (qui est au pouvoir depuis octobre 1906).
Cette caricature, comparant Clemenceau au moment de sa prise de fonction et à la fin de son gouvernement, dénonce explicitement la politique menée, jugée pas assez à gauche, pas assez sociale.
Dans la première scène, on peut lire, sur la colonnade du Palais Bourbon (siège de la Chambre des députés), les projets de réformes annoncées et d’ailleurs votées par le gouvernement. Au premier plan, Clemenceau est vêtu d’une manière un peu bourgeoise (chapeau melon et costume, dont la couleur bleue évoque peut-être celle de la blouse de l’ouvrier). Il promet à un ouvrier enthousiaste de grandes réformes en faveur du peuple.
La seconde scène, datée de 1909, présente une réalité très différente : Clemenceau apparaît comme un député arrogant (redingote, canne, chapeau haut-de-forme). Il regarde de haut un ouvrier blessé (accident du travail ou violence policière à l’encontre des grévistes ?) et lui dit avec cynisme que le gouvernement s’occupe du populo (le mot « peuple » de la première vignette, devenu de manière péjorative populo). En arrière-plan, une émeute sociale est violemment réprimée par la police qui arrête des ouvriers. Le bilan des réformes menées est maculé de sang.
fin du gouvernement Clemenceau (qui est au pouvoir depuis octobre 1906).
Cette caricature, comparant Clemenceau au moment de sa prise de fonction et à la fin de son gouvernement, dénonce explicitement la politique menée, jugée pas assez à gauche, pas assez sociale.
Dans la première scène, on peut lire, sur la colonnade du Palais Bourbon (siège de la Chambre des députés), les projets de réformes annoncées et d’ailleurs votées par le gouvernement. Au premier plan, Clemenceau est vêtu d’une manière un peu bourgeoise (chapeau melon et costume, dont la couleur bleue évoque peut-être celle de la blouse de l’ouvrier). Il promet à un ouvrier enthousiaste de grandes réformes en faveur du peuple.
La seconde scène, datée de 1909, présente une réalité très différente : Clemenceau apparaît comme un député arrogant (redingote, canne, chapeau haut-de-forme). Il regarde de haut un ouvrier blessé (accident du travail ou violence policière à l’encontre des grévistes ?) et lui dit avec cynisme que le gouvernement s’occupe du populo (le mot « peuple » de la première vignette, devenu de manière péjorative populo). En arrière-plan, une émeute sociale est violemment réprimée par la police qui arrête des ouvriers. Le bilan des réformes menées est maculé de sang.
Dans l'extrait ci contre Maria Pognon rejette l’idée que l’on puisse se fonder sur des différences biologiques telles que la force physique pour instaurer une inégalité en droits. Elle souligne que les hasards de la nature peuvent être à l’origine de profondes inégalités d’aptitude entre les hommes, sans que cela n’ait d’effet sur leur statut de citoyen. Pour elle, l’égalité en droits de tous les citoyens, quel que soit leur sexe, doit être considérée comme un principe fondamental. Elle s’oppose à un discours largement répandu qui assigne les femmes à la sphère privée, et rejette l’idée défendue par de nombreux républicains selon laquelle étant impropres à penser de manière autonome, elles ne pourraient échapper à l’influence néfaste des prêtres. |
La Une du Petit journal du 17 mai 1908 représente des suffragettes entrant dans un bureau de vote pour en vider l’urne.
Le terme de suffragette apparaît en Angleterre en 1903 puis gagne la France aux alentours de 1906. Ces groupes féministes, qui combattent pour l’obtention du droit de vote, sont adeptes d’actions spectaculaires qui troublent l’ordre public. Hubertine Auclert, considérée comme la première suffragette française, a participé à cette action en mai 1907. Dans son article publié dans le journal féministe La Fronde, ( voir texte ci dessus) Maria Pognon insiste sur une autre manière de mener ce combat : faire évoluer les mentalités par l’éducation et l’information. Les jeunes filles doivent être éduquées de manière à ce qu’elles puissent occuper la place qui leur revient dans la société, celle de citoyennes. La Ligue française pour le droit des femmes s’engage fortement dans ce combat. Ces féministes entendent enfin utiliser la presse. La Fronde, dirigé par Marguerite Durand, actrice et journaliste engagée dans le combat féministe, est un journal exclusivement élaboré par des femmes. |